En fixant des fragments d’instruments et de solistes de l’Orchestre de Chambre de Metz, V. Zenner nous offre une série de photographies d’une grande singularité, d’une étrange beauté et d’une sensibilité extrême.
Saisir l’objet et l’être sans le circonscrire, ni le limiter, comme si l’image pouvait être absence d’image, comme un regard fugitif, furtif et sensuel sur l’objet qui s’efface à peine entrevu, telle est l’impression qui domine dans ces clichés. S’inscrivant entre le noir et le blanc, l’ombre et la lumière, le flou et le visible, l’artiste est constamment à la lisière de l’immobilité : le temps se ralentit, marque le pas, ouvre un abîme à notre inconscient, nous plonge dans les souvenirs de nos rêves les plus lointains et les plus troublants …
L’archet, la main jouent sur le violon de nos âmes une symphonie envoûtante d’où la couleur est absente, mais dont la sensualité diaphane et pénétrante nous fait frissonner d’émotion. Il ne s’agit pas ici de représenter la réalité, mais de donner à voir la frontière entre le visible et le non visible.
« Offrir aux autres comme à soi même un miroir sans tain pour ne pas être pris dans l’image… Celle-ci n’est plus la trace de la croisée de deux regards, mais celle de son écartement intérieur. Elle est la différence entre deux regards de même sens. Le dos, la nuque n’est plus l’envers de la face… » explique V. Zenner, cette photographe messine, diplômée de l’école des Beaux Arts de Metz, qui a déjà exposé à Paris, Belfort, Amiens, Dakar , Genève, et au Grand-Duché du Luxembourg …
Dans chaque photographie, le sujet est saisi de très près, comme si une barrière infranchissable avait été traversée, permettant au photographe de s’installer dans l’espace péricorporel de l’autre. Les images sont des images lisses sur tous les plans : disparition des formes de l’affectivité ou de l’intériorité au bénéfice d’une surface douce. Toujours l’ombre est maintenue, fragmentant la blancheur, ralentissant le temps. Le cadrage ampute le corps et marque l’exclusion dans la blancheur de la page. Le reste est mis à l’ombre, laissant ainsi une large place à notre imaginaire et à nos rêves…
En captant ainsi le flou des formes, de l’ombre et de la blancheur, vision à la fois parcellaire et totale, où tout est dans chaque image et où la suivante n’est que l’écho de la précédente, Viviane ZENNER nous renvoie aux purs et doux paradis de l’enfance où tout n’est que « luxe, calme et volupté »…